Compte-rendu des participants à la conférence de Beijing

Writers & Directors Worldwide (W&DW), réuni en congrès à Beijing, Chine, en novembre 2015, a accueilli des auteurs du monde entier pour lancer officiellement la campagne : « Et si les scénaristes et les réalisateurs étaient équitablement rémunérés ? ». C’était la première fois que W&DW proposait une réunion dans la région Asie Pacifique, démontrant son engagement croissant au renforcement du droit d’auteur dans la région.

Ce court article de Sabiene Heindl, Directrice des Affaires commerciales et juridiques de l’ASDACS, souligne la nature du congrès de W&DW de Beijing et l’appel en faveur des droits des auteurs en Chine et dans d’autres pays.

 

« Introduction

 

 

Sans scénario original, pas de film. Sans réalisateur, pas de film.

 

– Gadi Oron, Directeur général de la CISAC

 

Lors de la réunion inaugurale de W&DW en Asie Pacifique, évènement décrit comme une étape significative pour W&DW, Gadi Oron, Directeur générale de la CISAC a accueilli les délégués de quatre continents, comprenant des organisations de réalisateurs et d’auteurs australiens1. La Chine a été présentée comme l’un des leaders mondiaux des activités cinématographiques, grâce à l’influence de ses auteurs et réalisateurs qui dépassent ses frontières.  Le domaine audiovisuel chinois apparaît comme un secteur ayant un potentiel considérable (36,15 % d’augmentation dans les revenus du box-office rien qu’en 2014) qui sert le marché local (avec plus de 3000 chaînes de télévision) et de plus en plus, le marché mondial grâce à la distribution numérique.

Ces dernières années, des propositions du gouvernement chinois ont encouragé W&DW à renforcer les lois sur le droit d’auteur, notamment par la signature du Traité sur les droits des interprètes de l’OMPI de juin 2012, qui a constitué un tournant majeur pour le secteur audiovisuel. Le gouvernement chinois a pris des mesures significatives pour amender la législation sur le droit d’auteur et adopter une approche qui prenne en compte les intérêts des créateurs. Les amendements proposés sur le droit d’auteur en Chine présentés ci-dessous devraient améliorer significativement les droits de rémunération des créateurs audiovisuels.

 

Droits d’auteur et gestion collective

 

Le Rapport sur les Perceptions mondiales de 2014 de la CISAC, publié en octobre 2015, a mis en évidence une reprise de la croissance en 2014 avec une augmentation de 2,8 % des droits, soit 7,9 milliards d’euros perçus au nom des créateurs2. Pour les créateurs audiovisuels, le deuxième répertoire le plus important, 499 millions ont été recueillis en 2014, ce qui représente une croissance de 5,2 %. Toutefois, ce chiffre est dérisoire par rapport aux 6,9 milliards d’euros perçus pour la musique.  Cela est dû au fait qu’il n’existe pas d’harmonisation des droits (Qui est reconnu en tant qu’auteur ? Quels droits sont octroyés aux auteurs et ces droits peuvent-ils être cédés ?) et s’explique également par le niveau structurel de gestion collective pour le secteur audiovisuel.

W&DW préconise des droits renforcés qui soient inaliénables pour les créateurs. Selon M. Oron, ce qui est nécessaire est un droit harmonisé à l’échelle internationale pour une rémunération équitable, qui soit incessible. La gestion collective est essentielle car elle permet aux auteurs de défendre avec poids leurs positions, en particulier contre la puissance des producteurs, télédiffuseurs et plateformes numériques.

Le secteur numérique, au niveau international, a enregistré une croissance de 20 % en 2014 pour l’utilisation des contenus en ligne. Toutefois, les perceptions liées aux services numériques ne constituaient que 6,5 % des droits globaux du monde entier.  Parmi ceux-ci, 99 % proviennent du répertoire musical et moins de 1 % du contenu audiovisuel3, ce qui est décrit comme une situation « alarmante ». La solution proposée était de faire appliquer des droits renforcés et de renforcer le réseau de perception pour les auteurs.

 

Rémunération équitable des auteurs

 

A Beijing, Yves Nilly, Président de W&DW, a lancé la campagne conjointe de W&DW intitulée « Et si les scénaristes et les réalisateurs étaient rémunérés équitablement ? » pour introduire le sujet du droit incessible et inaliénable à une rémunération pour les scénaristes et les réalisateurs du monde entier. Cette campagne se veut positive, sans connotation péjorative, elle souhaite informer les lecteurs sur la menace qui plane sur l’existence des auteurs et démontrer la contribution aussi bien au niveau culturel qu’économique. La campagne en faveur des auteurs met l’accent sur les aspects majeurs que sont le respect et la diversité culturelle.

Dans ce contexte, Delyth Thomas, Vice-président de Directors UK s’est interrogé sur ce qu’est une « rémunération équitable » et sur les solutions adoptées par les auteurs et qui les déterminent. Les grandes entreprises et les producteurs l’ont défini par le passé pour les créateurs audiovisuels. Directors UK a récemment mené une étude pour déterminer ce que signifie « équitable » en particulier dans le cas où un programme de télévision ou un film a obtenu un succès mondial. L’étude a constitué un argument convaincant pour Directors UK qui a négocié une rémunération de deux tiers avec son accord de branche avec les radio- et télédiffuseurs qui intègre des droits payables à l’avance et droits résiduels4.

 

Etat des lieux du droit d’auteur en Chine

 

En Chine, la loi sur le droit d’auteur protège les droits moraux des écrivains et des réalisateurs, toutefois, le droit d’auteur dans l’industrie du cinéma est détenu par le producteur du film. Les auteurs et les réalisateurs ne bénéficient que de la rémunération négociée par contrats. En effet, la législation n’a été introduite en Chine qu’en 1990 et sur la base du système de « common law ».  Après 20 ans de ce système, il a été reconnu qu’il existait des préoccupations croissantes sur les droits des auteurs et qu’il était nécessaire de clarifier la manifestation de leurs droits.

Les problèmes essentiels pour les créateurs de l’audiovisuel en Chine sont les infractions en ligne et l’absence d’une rémunération équitable pour les créateurs5.  Il est apparu également que l’état de gestion collective nécessitait des réformes6 essentielles pour assurer que les auteurs soient correctement rémunérés et la simplification de la perception et de la répartition des droits7. L’absence de rémunération pour les créateurs repose sur le fait que :

 

 

 

 

 

 

 

  1. les œuvres audiovisuelles sont protégées en tant qu’œuvres cinématographiques et le droit d’auteur est détenu par le producteur, les créateurs ne recevant une rémunération que par le biais de dispositions contractuelles ;
  2. les créateurs audiovisuels ne disposent pas d’un pouvoir de négociation et acceptent donc souvent le versement unique à l’avance d’un montant limité sans bénéficier de flux de revenus constant sous la forme de droits d’auteurs.

 

Wang Ziqiang, Département de Politique et de Règlementation de l’Administration nationale sur le droit d’auteur en Chine a examiné le projet de révision du droit d’auteur s’appliquant aux films, c’est-à-dire aux œuvres audiovisuelles, et l’extension de la durée du droit d’auteur à la durée de vie de l’auteur plus 50 ans.  Ce projet reconnaîtra que les films sont des œuvres qui découlent de romans, de scripts etc. Il sera donc nécessaire d’obtenir l’autorisation des auteurs de ces œuvres avant de faire le film. Les réalisateurs et les auteurs bénéficieront de droits renforcés, notamment, ils disposeront de droit d’auteur dans les films et de droits moraux renforcés.  Un article destiné à renforcer la protection du droit d’auteur dans l’environnement en ligne8 est également proposé. La CISAC réclame également instamment un accord cadre conférant aux créateurs le doit de disposer d’un pourcentage minimal de droits pour les utilisations secondaires9.

 

Etat des lieux du droit d’auteur en Australie

 

Des représentants des auteurs d’Australie et de Nouvelle Zélande ont également assisté au congrès de W&DW. Ils ont noté que l’opposition au droit d’auteur pour les réalisateurs était ancrée dans le système de common law et reposait sur des années de pratique commerciale dans laquelle les producteurs contrôlaient tous les droits. Stephen Wallace, Président de l’ASDACS a commenté ces faits10 :

 

la pratique dans le secteur et l’absence de pouvoir de négociation des réalisateurs australiens ont abouti à ce que les droits des réalisateurs soient tout simplement ignorés. Cette pratique est justifiée par le fait qu’elle serait propice à cette activité alors qu’en réalité, c’est de l’exploitation et un déni de droits. Les producteurs reconnaissent les droits des compositeurs de musique, dans ces conditions, pourquoi persistent-ils donc à nier aux réalisateurs leurs droits fondamentaux ? Les réalisateurs sont eux aussi des auteurs.

 

Les scénaristes australiens mènent également une rude bataille pour conserver leurs droits et une rémunération équitable pour l’exploitation permanente de leurs œuvres bien qu’ils disposent d’un droit d’auteur sur les scripts qu’ils ont écrits. Cela s’explique par le fait qu’ils sont confrontés à des modèles de distribution internationale complexes et évoluant rapidement et à des pratiques souvent inutilement agressives et déséquilibrées. Contrairement aux systèmes légaux existant dans la plupart des pays d’Europe, le Royaume Uni et l’Amérique du sud, les auteurs et réalisateurs d’Australie ne sont titulaires d’aucun droit d’auteur sur le film lui-même, bien que la loi ait clairement établi qu’ils disposaient de droits moraux sur l’œuvre, à part égale avec les producteurs.

A l’ère où les technologies numériques font changer l’image de la création et de la distribution dans l’industrie cinématographique mondiale, les auteurs et réalisateurs d’Australie et de Nouvelle Zélande ont fait savoir qu’il était essentiel qu’ils aient leur mot à dire, ce qui passe par un droit de rémunération inaliénable pour l’exploitation actuelle de leurs films en leur conférant un droit d’auteur.

 

Conclusion

 

 

Au fur et à mesure de mes voyages à l’étranger, j’ai trouvé très gratifiant de rencontrer l’extraordinaire multiplicité de talents qui existent dans ce domaine — notamment parmi les jeunes générations— et je repense constamment aux attentes considérables des créateurs qui demandent à être traités avec respect et à recevoir une rémunération équitable pour toute utilisation de leurs œuvres. Nous, les créateurs, nous soutenons nos sociétés lorsqu’elles s’adaptent aux nouvelles conditions du marché et aux nouveaux défis à relever pour continuer à développer leurs perceptions.

 

– Jean-Michel Jarre11 Président de la CISAC

 

Les droits d’auteurs continueront à occuper la scène internationale, en particulier avec le lancement de la nouvelle campagne de W&DW intitulée « Et si les scénaristes et les réalisateurs étaient rémunérés équitablement ? » pour introduire le sujet du droit incessible et inaliénable à une rémunération pour les scénaristes et les réalisateurs du monde entier. Les étapes qui ont été franchies par le gouvernement chinois pour l’adoption d’un droit d’auteurs est une mesure bienvenue dans la lutte internationale pour une juste rémunération des auteurs de contenus audiovisuels.

Malheureusement, le fait est que si des droits de rémunération ne sont pas clairement définis dans des lois nationales sur le droit d’auteur, les droits des auteurs continueront à être bafoués comme c’est le cas en Australie.»

By Sabiene Heindl

Directrice des Affaires commerciales et juridiques de l’ASDACS

 

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Références :

[1] ASDACS et AWGACS

[2] Rapport mondial des perceptions 2015 de la CISAC

[3] Gadi Oron le 5 novembre 2015.

[4] Sur la base des heures d’utilisation x % résiduel x salaire des réalisateurs par heure de programme.

[5] M. Ben Ng, Directeur régional Asie Pacifique, CISAC le 5 novembre 2015.

[6] M. Tang Zhaozhi, Directeur général adjoint, Département du droit d’auteur, Administration nationale du droit d’auteur de Chine, 5 novembre 2015.

[7] Professeur Wang Qian, Université des sciences politiques et de droit de Chine orientale, le 5 novembre 2015.

[8] Responsabilité de l’ISP en vertu de l’Article 73.

[9] C’est-à-dire non à la première projection mais pour les utilisations consécutives telles que DVD, VOD etc.

[10] Déclaration de l’ASDACS au congrès de W&DW, Beijing, 6 novembre 2015.

[11] Communiqué de presse CISAC